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Fait le 16/01/2021 • Aya B.
Je n'analyserai le texte que jusqu'à "couleur topaze", ligne 31
Le vers 1 est intégré avec le titre : on dirait que le mot « Les Usines » est le sujet du
vers. Les fenêtres sont comparées à des yeux (personnification : on donne une âme
aux usines qui a des « yeux » mais qui sont « cassés », ce qui donne une vision
désagréable). En qualifiant les yeux de « cassés », Verhaeren donne une vision
horrible contrairement à une « fenêtre » cassée.
Les usines ne regardent pas l’Homme, elles se regardent entre elles, sans qu’il n’y ait
de présence humaine. On a donc affaire à des monstres qui ne se rendent même pas
compte de nous.
Dans le vers 2, le verbe « mirer » fait normalement référence à quelque chose d’agréable et est utilisé dans la poésie romantique. On se mire dans une eau pure normalement, mais cette fois il s’agit d’une eau polluée (« poix », « salpêtre »). Il y a encore une impression désagréable ≠ campagne.
Le vers 3 parle d’un canal « droit », plat, dans un paysage qui ne se termine jamais. Seules les Usines sont visibles. Les ouvriers sont prisonniers de ce paysage, de leurs conditions ; partout où ils vont, ils trouvent ce même décor. Il n’y a pas d’échanges entre classes sociales. Verhaeren évoque ici, à travers ce canal qui symbolise la platitude du pays, la condition ouvrière.
Au vers 4, Verhaeren fait comprendre que les usines sont positionnées aux côtés de
ce même canal, « le long des quais », le quai du canal, c’est-à-dire la plateforme de
chargement et déchargement des bateaux. « ombre » et « nuit » signifie qu’à cet
endroit du poème, c’est le matin très tôt. C’est aussi un paysage très sombre en
permanence et monotone. « face à face » évoque la symétrie.
Le vers 5 parle de « faubourgs », c’est-à-dire les quartiers ouvriers. « lourds » fait
référence à l’air difficile à respirer, à un mauvais environnement.
Au vers 6, il y a personnification de la misère : elle est représentée sous les traits d’une femme. Il n’y a pas de présence humaine ni dans les usines, ni dans les faubourgs. Il s’agit d’une allégorie.
Le vers 7 montre que les usines ne laissent aucun repos aux ouvriers. Quand les ouvriers travaillent ils sont dans l’Usine et quand ils en sortent ils entendent encore les « fours et les fabriques » qui « ronflent ».
Le premier mot de la strophe, au vers 8, renvoie à quelque chose de très rectiligne, minéraux (« granit », « briques ») et artificiel crée par l’Homme. Il n’y a pas de verdure, c’est un paysage géométrique.
Le vers 9 reprend l’idée d’ « infini », un paysage noir et sombre qui ne se termine
pas.
Au vers 10, « banlieues » désigne les « faubourgs », et « immensément » fait
référence à la verticalité.
Dans les vers 11-13 : « aiguillonnées »l11 évoque le verbe "aiguillonner", i.e. stimuler et faire plus travailler les ouvriers. Les « cheminées »l13 sont les points les plus hauts de la ville, c’est un point culminant. Il n’y a pas d’usine sans cheminée, puisqu’elles marchent au charbon. Les « paratonnerres »l12 sont de nouvelles "technologies". Puis, le « brouillard »l11 évoque la fumée des usines ou le brouillard des hivers tristes et sombres.
L’accumulation de « et » dans les vers 14 à 21 exprime une monotonie, quelque chose qui ne change jamais. Le v16 est la suite de cette énumération.
v14: Les « hangars […] qui fument » décrit les usines traditionnelles.On retrouve, au vers 23, « se regardant ». Cependant les yeux sont désormais « noirs » et « symétriques », comme le reste du décor, symétrique, rectiligne et monotone. Puis il y a le rappel de plusieurs mots dans les vers de 24 à 26 : « banlieue », « infini », « ronflent », « les usines et les fabriques ».
Après le travail, l’ouvrier rentre chez lui en passant par le bar. Il rencontre les squares, puis retrouvent le bar au carrefour.
L’exclamation du vers 27 est une plainte. L’expression « rouillés de pluie » évoque le
mauvais état et la couleur des objets. La « pluie » traduit la tristesse et montre un
temps sobre.
Ensuite, débute l’énumération dans le vers 28, les femmes sont misérables vêtues de
« guenilles ». L’adjectif « apparues » donne un aspect fantomatique et de femmes
qui longent les murs. Il y a aussi la honte qui y règne.
Puis il y a les « squares », qui devraient être des endroits conviviaux. Or, ici ils sont
pollués : « caries », « plâtras », « scories ». Puis il y a la « flore », aussi normalement
jolie mais polluée par les adjectifs « pâle » et « pourrie ».
Le vers 32 représente les bars situés aux carrefours. « Portes ouvertes » montre que les bars sont des endroits accueillants, contrairement aux usines. Ensuite il y a la description plus ou moins joyeuse des bars :
Puis aux vers 34-39 il y a l’adjectif « fol » qui est lié au délire et aux mauvaises
conséquences de l’alcool. C’est donc une lumière trompeuse ; la promesse d’un
paradis mène vers la mort. L’attirance vers un "paradis" mène en fait vers un autre enfer.
C’est un paysage agréable, lumineux et joyeux mais où il y a des « gens soûls ». Les
ouvriers ne prennent pas le temps de se reposer. Ils viennent dans les bars pour
boire et non pas pour se divertir ou prendre du repos.
Enfin, aux deux derniers vers (vers 40 et 41), on compare gens soûls à des chiens « dont les larges langues lappent ». Ils ne peuvent d’exprimer, ils sont déshumanisés (« sans phrases »)
Conclusion Ce poème constitue un véritable spectacle « son et lumière ».
Il s'agit d'un témoignage à la fois sur le monde industriel et sur l'essence de la poésie qui est une alchimie (« faire de l'or avec de la boue »).
Verhaeren est marqué par le mouvement symboliste (fin du XIX è siècle). Le symbole permet d'aller au-delà de l'apparence, donc de relier des réalités éloignées au premier abord (cf. Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine).
L'influence de l'école symboliste de 1885-1900 apparaît aussi ici à travers la grande liberté dans le choix et les coupes des vers (rythme 8/6/12/13 du dernier vers).